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jeudi 21 octobre 2010

Benoît Peeters, Derrida...et Fédida.

Benoît Peeters vient de publier une biographie de J.Derrida et j'ai commencé à la lire.
Même impression enthousiasmante qu'il y a des années, en lisant Roudinesco, de se trouver face à une grande fresque où apparaissent bien des intellectuels qu'on a souvent lu, parfois rencontré, dont on savait , mais parfois dont on ne savait pas, qu'à telle ou telle époque qu'on a vécue en grande partie, ils avaient devant eux un avenir qui est maintenant un passé, évoqué dans ces lignes. Là dans un livre.
Ricoeur dont je ne savais pas en 68 à Nanterre , en première année de philo qu'après avoir été un recteur banni,il deviendrait ...Ricoeur, celui que j'ai lu bien des années plus tard , et passionnément.
Curieux sentiment pour celle, moi, qui ne savait pas à l'époque où elle vivait dans le plus grand retranchement, qu'elle était malgré tout plongée dans une histoire qui se faisait au jour le jour.
Souvenir de la lecture exaltée et parfaitement solitaire de La grammatologie et de l'immense résonnance que ce texte a eu sur la formation de ma propre pensée...
L'interêt d'un tel livre, outre le fait, qu'il constitue un portrait extraordinaire d'un grand philosophe, c'est que le lecteur qui a connu l'époque dont il est question, ou en ce qui me concerne une  partie, peut recoller les morceaux; les morceaux de sa propre vie intellectuelle. De sa vie.
Les notes de renvois en bas de page ont longtemps constitué pour moi le seul moyen de former une sorte de galaxie où Derrida se reliait à Leroi Gourhan, Leroi-Gourhan à Blanchot, Blanchot à Fédida, et Fédida  à Derrida...
Tiens pourquoi Fédida n'aparait-il pas dans la longue liste de noms à la fin du livre? Ce n'est pas un reproche; mais un étonnement. Peut-être parce qu'ils ne se seraient pas rencontrés dans la vie , parce que Derrida aurait été une lecture pour Fédida, mais pas un être humain, peut-être parce que Fédida est mort trop tôt pour que Benoît Peeters puisse le rencontrer?

joelle mesnil/bernard stiegler

Cela fera bientôt six mois que j'ai passé deux jours chez Bernard Stiegler avec trois jeunes philosophes et deux jeunes artistes.
Nous avons été royalement acueillis et notre séjour a été des plus agréables, notamment grâce à l'extrême dévouement de son épouse Caroline Stiegler.
Pourtant, intellectuellement parlant, cela a été une expérience décevante. Sans suite.
Il est vrai que dans le cours même de ma préparation à ce dont j'avais espéré que ce serait une rencontre importante, j'ai été au fur et à mesure où je progressais dans la lecture de ses derniers livres, de plus en plus mal à l'aise.
J'étais restée plusieurs années sur l'image positive et même enthousiasmante qui m'était venue, à partir de 1994, de la lecture des trois tomes de La technique et le temps. La référence à Derrida et à Leroi-Gourhan avait particulièrement retenu mon attention. L'importance accordée à l'histoire de l'écriture. Une approche anthropologique qui mettait au premier plan l'évolution technique dans la constitution même de l'anthropos. Et l'expression d'une inquiétude quant au devenir de l'humain, inquiétude qui faisait écho à celle qui avait motivé ma thèse sur La désymbolisation dans la culture contemporaine.  Chez Stiegler, je retrouvais les thèmes directeurs de cette thèse soutenue dès 88, à une époque où le concept, on pourrait presque dire aujourd'hui avec Maniglier, -la "rengaine" - de la désymbolisation étaient encore très inhabituels.  Je m'étais réjouie que cette idée commence à se faire entendre , et par des textes argumentés.

La reprise de ces textes plus de quinze ans plus tard m'a laissée dans un pénible désenchantement, comme chaque fois qu'une certaine admiration perd son appui. Quand on ne s'y retrouve plus avec un auteur auquel on avait acordé beaucoup de crédit. Non seulement, les livres qui ont suivi n'avaient pas la force critique qui caractérisait les premiers, mais inquiétée par une certaine légèreté, une passion politique qui étouffait cette force critique au lieu de la fortifier, j'ai entrepris de lire tous les livres de Stiegler (relire nombre d'entre eux) pour en avoir, comme on dit, le coeur net. Mon inquiétude, mon malaise n'ont fait que croître.
Trop d'à peu près, de fausses citations, d'affirmations péremptoires sur des points qui exigent une vraie discussion. Le bon côté de la chose, c'est que Stiegler m'a fait retravailler certains textes, notamment de Husserl auxquels il se réfère de façon bien légère.
On peut être en désaccord avec certaines positions, une certaine lecture de Derrida par exemple dans La voix et le phénomène, en tout cas en désacord avec l'idée que la première recherche logique livrerait la vérité de la pensée d'Husserl concernant le langage. Le texte est suffisememt sérieux , les références sufisemment précises et contrôlables pour qu'on puisse discuter ceci ou cela.
Stiegler quant à lui a eu des intuitions justes, on peut dire qu'il a un nez. Mais après Leroi-Gourhan et Derrida, il n'est pas le seul à les avoir eues contrairement à ce que des étudiants non avertis pourraient penser à la lecture de ses livres, ou allant l'écouter au théâtre de la colline. Il est important de le dire, pas tant pour dénoncer une sorte de facheux narcissisme, que pour laisser la place à d'autres voix. Il existe aujourd'hui des travaux qui d'une façon ou d'une autre traitent de cette question de la "désymbolisation", pas forcément d'ailleurs en  ayant fait de cette idée leur thème directeur, mais on les entend moins. Stiegler se réfère peu à ses contemporains bien qu'il ne cesse de s'adresser à eux pour qu'ils l'écoutent. Et ne semble pas très ouvert à la discussion. A une vraie discussion où seraient peut-être mise en doute la véracité de certaines de ses affirmations.
Je ne donnerai ici qu'un exemple. En mai, j'ai tenté d'aborder avec Siegler la question des difficultés propres à notre époque de mettre en place un espace transitionnel au sens que Winnicott donne à ce concept. Cela n'a pas été possible parce que toute référence précise était écartée. Tout questionnement .
Pas de place pour la moindre hésitation.

samedi 9 octobre 2010

Marc Richir.Osama Khalil

Curieuse rencontre mercredi dernier à l'espace le scribe-l'Harmattan: Osama Khalil, le directeur du centre et de l'institut des arts et lettres arabes me dit que lorsqu'il faisait sa thèse de philo , il a été extrêmement enthousiasmé par la lecture d'un texte de Marc Richir qui se référait notamment à Plotin; apparemment, le texte dont il me parlait devait être Le rien et son apparence. N'avoir lu qu'un texte de Marc Richir et s'en souvenir plus de trente ans après, ça mérite d'être mentionné!
L'anthropologie phénoménologique de Marc Richir